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Dans les Provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri en Etat de siège, des nombreux journalistes vivent dans la terreur des menaces des hommes armés non identifiés. Pour museler la presse et sans se gêner, ces criminels utilisent les réseaux de télécommunication afin d’organiser leurs forfaits. Même si les services de sécurité ont réussi à mettre la main sur certains d’entre eux, la loi reste obsolète et muette quant à ce.

C’est peut-être une bonne piste pour la justice congolaise de rendre compte aux professionnels des Média sur les mobiles de l’assassinat du jeune journaliste Héritier MAGAYANE. Tué avant d’être sauvagement égorgé dans la nuit du 07 au 08 Aout dernier à Rutshuru, la mort de cet animateur de la Radiotélévision Nationale Congolaise RTNC/sous Station de Rutshuru a suscité beaucoup d’inquiétudes sur la liberté de la Presse en RDC.

Selon les sources de la corporation des journalistes de cette région, deux suspects auteurs de ce crime crapuleux sont déjà aux arrêts. « Les preuves sont toutes réunies. Des révélations accablantes sur la mort de notre confère sont entre les mains de l’équipe d’enquêtes au niveau de la justice. Nous poursuivons les autres indices pour mettre la main sur toute l’équipe »

Accentuer les menaces pour museler la presse locale

Difficile d’y croire mais les démarches entreprises par le service de sécurité tentent d’en expliquer le circuit. Et seule la téléphonie mobile semble être la seule alternative pour dénicher ces ennemis de la paix qui ont tourné leurs canaux vers les chevaliers de la plume pendant cet état de siège instauré par les autorités gouvernementales.

« En plus de sa profession, Héritier MAGAYANE était responsable d’un point de vente des crédits. Une jeune femme l’a appelé pour qu’il lui transfère des unités à quelques mètres de son cabinet. Depuis, il n’est plus revenu ! C’était presque la nuit. Visiblement les assassins étaient dans les proximités. Serait-elle elle qui l’aurait livré aux tueurs ? ». Devant ce questionnement, un proche de la famille confirme que ça doit être cette femme-là qui d’ailleurs bien connue est en cavale.

Comme si cela n’a pas suffi. Ces bandits continuent d’utiliser le même moyen de communication pour créer la terreur et museler la presse. Pendant que les journalistes pleurent leur confrère et organisent ses obsèques, c’est Justin PANZU, rédacteur en Chef de la même station de Radio qui reçoit les messages de menaces de mort à travers un numéro inconnu au lieu même du deuil.

Au lendemain, c’est le tour du Journaliste Vianney WATSONGO de la Radiotélévision Evangélique de Développement Hermonie RTDEH, une chaine émettant à Kiwanja non loin de la même contrée. Selon les témoignages recueillis par Journaliste En Danger JED, Vianney Watsongo, était depuis plusieurs semaines objet d’une série de menaces de mort téléphoniques et des tracts.

Le 11 août 2021, le journaliste a trouvé, devant la porte de sa rédaction un tract lui promettant la mort. Deux jours après, ce même tract a été également déposé devant la porte de son domicile. Ecrit en stylo rouge, ces tracts comportaient des dessins d’une machette et d’une serpette avec comme message : « Nous n’avons pas besoin de ton argent reçu quand tu as été primé pour ton travail de dénonciation des tracasseries des agriculteurs. Nous t’informons que nous allons te tuer… ». Barthélemy Changamuka , journaliste à la Radio Communautaire de Kitchanga avait été assassiné au mois de mai alors qu’il venait d’animer une émission sur la sécurité alimentaire aussi.

En début septembre dernier, JED a lancé un nouvel appel urgent aux autorités provinciales de l’Ituri pour assurer la protection du journaliste Gloire MUMBESA, Directeur de la Radio Communautaire Tuungane, émettant dans la commune rurale de Mungbwalu, territoire de Djugu. Selon la même source c’est depuis plusieurs semaines qu’il fait l’objet des menaces de mort proférées au téléphone ( appels vocaux et SMS) par des présumés miliciens CODECO en ce terme : « Dans une semaine, nous serons à Mungbwalu. Cesse de parler en mal contre CODECO sur ta radio. Tu vas bientôt fuir. Tu penses qu’à Mungbwalu on ne connait pas ton domicile ? »

Il s’en est suivi une panique généralisée au sein de la presse locale. C’est notamment avec cette dégradation de la situation sécuritaire des journalistes en RDC, et plus particulièrement dans les provinces de l’Est du pays en proie à des violences armées et communautaires. Elle s’est illustré depuis plus de trois mois par un bilan d’au moins 3 journalistes tués et un journaliste porté disparu depuis 2020.

En plus de MAGAYANE, l’on peut citer, Barthelemy Changamuka , 23 ans et journaliste de la Radio Communautaire de Kitshanga (CORAKI FM) tué par huit balles tirées à bout portant dans la nuit du samedi 08 au dimanche 09 Mai. Paluku KIBWANA Tsongo de Kalunguta en territoire de Beni, assassiné le 15 juillet passé. Joel MUMBERE, Directeur de la Radio Communautaire Babombi, émettant à Biakato, territoire de Mambasa, dans la province de l’Ituri, ainsi que Pius Manzikala, Journaliste à Rwenzori Voice Radio (RVR) émettant à Mutwanga dans le territoire de Beni, enlevé samedi 11 décembre 2020, par des présumés rebelle des Forces Démocratiques et Alliés adf.

Faut-il allumer une bougie pour éteindre le téléphone ?

En effet, cette recrudescence de l’insécurité à l’endroit des journalistes a poussé l’Union Nationale de la Presse du Congo UNPC/ Nord-Kivu de lancer une campagne dénommée « une bougie pour la liberté de la presse »

En cette occasion, le représentant sectionnaire à Rutshuru a appelé les autorités à protéger les journalistes travaillant dans un contexte caractérisé par les kidnappings et l’insécurité généralisée dans cette zone. « La place du journaliste n’est pas en cavale, à la tombe ni dans la clandestinité’ » a martelé Innocent GASHAMBA.

Pour un journaliste analyste, des bougies allumées comme ras-le-bol contre ces menaces devraient être accompagnées par une campagne médiatique contre les maisons de télécommunications au travers lesquelles les auteurs se communiquent pour commettre leurs forfaits.

« Il est inacceptable dans une province sous état de siège que les bandits armés continuent à utiliser les réseaux de télécommunication pour faire des menaces jusqu’à négocier la rançon » regrette-t-il. Pourtant selon un des responsables de la justice à Rutshuru il est question de la bonne volonté de toutes les parties pour faciliter la procédure afin d’obtenir les relevés des appels et parfois même les éléments sonores pour éclairer les lanternes de la justice.

« La loi autorise le ministère public à procéder aux réquisitions d’informations auprès des fournisseurs des services de télécommunications afin de fournir les données téléphoniques en cas de nécessité » a fait savoir Christian AJUWAMUNGU, Président du Tribunal de Paix de Rutshuru.

Contacté par l’Agence Rutshuru Presse, Maitre Thiery HATANGIMBABAZI avocat membre pour la défense des journalistes et Médias au sein de l’association des Avocats pour la Défense des Médias ASADEM zone centre de la province du Nord-Kivu, révèle que la loi et le système judiciaire en matière de la régulation de la communication en République Démocratique du Congo sont obsolètes et muettes quant à ce.

« Le code de procédure pénale en vigueur en matière de règlementation de la communication en RDC date d’une quarantaine d’année. Il ne prend pas en compte des innovations technologiques du moment. Elle n’est non plus adaptée à faire face efficacement à la cybercriminalité et au contrôle des systèmes de télécommunication. Le Tracking des numéros des criminels devient un problème épineux » reconnait-il.

Pour réglementer cette matière, le législateur congolais doit impérativement travailler sur les modifications de cette loi.

« Il faudra également supprimer les frais de réquisition d’information exigés par la justice. Autoriser les Officiers de Police Judiciaires ainsi que les inspecteurs judiciaires de procéder aux réquisitions d’expertise pour plus de sérénité dans des tels dossiers. Ce qui est exclusivement l’apanage des procureurs de la République » explique-t-il.

Un Etat de siège mis à défi

En attendant pour apaiser la tension de ces coqs du micro, l’administrateur militaire du Territoire de Rutshuru a organisé une assise avec les journalistes pour discuter des garanties sécuritaires et les mécanismes de protection des journalistes. C’était après 48 heures sans radio décrétées par la presse à Rutshuru après l’enterrement de MAGAYANE.

« Je présente mes condoléances les plus attristées à la corporation des journalistes. Je suis consterné par cette mort. Je ne peux tolérer en aucun cas qu’un journaliste dans l’exercice de ses fonctions ou non, soit exécuté ou menacé » s’est indigné le Colonel BAKOLE NYENGELE Luc Albert avant de solliciter une franche collaboration de toutes les parties pour mettre fin à ces menaces et dénicher les auteurs.

Pour les activistes de droits humains et ceux de la société civile locale les professionnels des médias sont les chiens de garde qui portent haut les voies des populations surtout celles qui sont dans des situations difficiles.

« C’est intolérable que leur sécurité soit alarmante. Pourtant au Nord-Kivu, un édit portant protection des défenseurs de droits humains dont fait partie les journalistes a été promulgué » se désole Hervé NSABIMANA, coordonnateur du Centre d’Observation des Droits Humains et d’Assistance Sociale ‘’CODHAS ».

« Il est extrêmement grave et incompréhensible qu’un jeune journaliste soit égorgé au cœur du quartier aussi plus mouvementé que Bunyangula. Surtout à quelques mètres de la route nationale en plein mouvement de la population aux telles heures de la soirée. Cela prouve une insécurité grandissante décriée au quotidien » note un acteur de la Société civile du Territoire de Rutshuru.

Le Sectionnaire de l’UNPC Rutshuru lui, voudrait voir des audiences en flagrance organisées avant le transfèrement des présumés auteurs vers les instances supérieures de la justice.

« Des audiences publiques devraient être organisées pour rassurer la population que justice sera rigoureusement faite. Cela pour briser les doutes sur le probables relâchement des présumés auteurs » a plaidé Monsieur Innocent GASHAMBA.

Justin Bin SERUH

Cet article est publié en partenariat avec REMED dans le cadre du: “Projet de renforcement du système sécuritaire et capacités en investigation des journalistes des médias membres du REMED pour la lutte contre l’impunité à l’Est de le RDCongo” . Financé par Fonds Mondial pour la Défense des Médias/UNESCO.

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