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En sillonnant le chef-lieu du territoire de Rutshuru au Nord-Kivu l’on découvre la merveilleuse bâtisse construite grâce au financement de la coopération allemande pour l’encadrement de la jeunesse depuis 5 ans. Il s’agit du Centre d’Orientation et de Formation en Métiers dit COFOM. Doté de tous les équipements nécessaires, ce centre est une véritable opportunité pour mettre fin à l’enrôlement des nombreux jeunes au sein des groupes armés qui insécurisent cette région de l’Est de la République Démocratique du Congo. Aujourd’hui plusieurs centaines des jeunes se sont épanouis dans différents métiers en faisant la fierté de leurs communautés grâce à l’accompagnement des Ongs Care International, World Vision , MercyCorps et l’Institut National pour la Conservation de la Nature (ICCN).

En ce petit matin de fin janvier, SEMBOGO Jean semble être débordé avec ce nouvel appel téléphonique d’un couple en préparatif de son mariage. « Ils disent vouloir m’employer pour la coordination du protocole et de cuisine de leur cérémonie » se réjouit ce jeune cuisinier de 27 ans devenu célèbre à l’Hôtel Mont SONGA au cœur de cette bourgade du territoire de Rutshuru. C’est à environ 70 km au Nord de la ville de Goma dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Pourtant peu avant, ce nouveau passionné de l’art culinaire et pâtisserie venait de rater une très belle opportunité d’embauche dans un hôtel luxueux au Rwanda. Sans aucune formation au préalable, SEMBOGO a été obligé de désister seulement quelques jours après pour ne pas se faire disqualifier. C’est cette situation qui l’a révolté et l’a obligé de revenir dans son pays natal.

Arrivé à Rutshuru-centre, SEMBOGO tombe sur cette série des formations en métier lancée il y a peu par le Centre d’Orientation et de Formation en Métiers COFOM.

« Je n’avais aucune notion avant mon inscription à ce centre.  Quatre mois seulement m’ont suffi pour être déjà sollicité à l’Hôtel Mont SONGA. Cela fait maintenant une année que je bosse ici » nous explique-t-il en train de manipuler les cuisinières afin d’offrir un plat délicieux à ses clients pour le petit déjeuner.

SEMBOGO inspire la jeunesse de sa communauté 

Alors que certains jeunes de la région considéraient ce métier comme un travail purement féminin, l’exemple de SEMBOGO est resté inspirateur pour faciliter l’engouement des nombreux habitants dans le choix de cette filière. Qu’est ce qui explique aujourd’hui cet afflux des jeunes dans ce secteur ? La réalisation des rêves de SEMBOGO demeure le secret : « Je réalise des progrès spectaculaires dans ma vie, des progrès auxquels je ne croyais pas. Grâce à ce travail et d’autres sollicitations cérémoniales, je me suis procuré déjà une parcelle où j’ai démarré la construction avec une fondation en cours de finissage »

En effet, la création de ce centre d’apprentissage des métiers depuis maintenant 5 ans est une initiative contenue dans le Plan Local de Développement de la chefferie de Bwisha en territoire de Rutshuru. Par manque d’occupation, cette entité administrative a constaté l’enrôlement des nombreux jeunes dans plusieurs groupes armés actifs dans la région. Pour faire face à la recrudescence de l’insécurité, les autorités ont eu comme alternative la formation de la jeunesse dans plusieurs domaines.

Un projet réellement au service de ses bénéficiaires

A travers le plaidoyer de l’honorable Sénateur Célestin VUNABANDI, alors Ministre du Plan , la chefferie obtient le premier financement de la Coopération Allemande pour la construction du centre avec une dotation de tous les matériels nécessaires.

Quelques mois après, d’autres partenaires se positionnent pour accompagner ce projet. Il s’agit entre autres des ONGs Care International, World Vision et MercyCorps. Pour lancer les travaux , l’ICCN alimente le centre en éléctricité par un don de 400 kwh  par mois  pour le fonctionnement des appareils et machines électriques

Avec Care International , 70 jeunes et 70 femmes bénéficient d’une série de formation dans un projet de renforcement du leadership des femmes et des jeunes financé par le PNUD. Un salut pour ce jeune de 22 ans que nous retrouvons en salopette pleine de poussières à l’intérieur de l’atelier de Menuisière dénommé BATIR ENSEMBLE à Rutshuru centre. « J’étais sur le point d’intégrer un groupe rebelle de ma région. Après l’obtention de mon diplôme en pédagogie à l’âge de 17 ans. J’ai perdu tout espoir de trouver un emploi. J’ai chômé deux ans durant. » se rappelle-t-il avant de voir sa vie changer grâce à la formation au sein du COFOM.

« Mes parents n’ont pas été d’accord pour qu’un diplômé comme moi aille prendre une inscription dans une formation des illettrés. Aujourd’hui je rêve d’avoir mon propre atelier de menuiserie après avoir acheté une parcelle et construire une belle maison », explique Janvier KAMAKA devenu gérant de cet atelier où il a été embauché après une formation d’environ une année au COFOM. Une profession qui fait désormais la fierté non seulement de ses subalternes mais également de sa famille comme témoignent respectivement l’un de ses collaborateurs et son père biologique.

« Notre chef dans cet atelier est courageux et maîtrise le métier. Il nous oriente à toute étape du travail. Il est collaborant et rigoureux car il aime un travail bien fait et au temps opportun pour conserver la bonne renommée de notre maison »’

« J’ai 8 enfants et Janvier est mon deuxième fils. Quelque mois plus tard Janvier me surprend, une bonne soirée avec une nouvelle selon laquelle, il prendrait désormais sa petite sœur   en charge en frais scolaire car me disait-il, il venait d’être engagé dans un atelier de menuiserie. Il n’est plus une charge pour moi ; bien au contraire il vient à mon secours pendant mes durs moments »

Comme Janvier, ASIFIWE BAHATI est une autre bénéficiaire des actions de Care International à travers COFOM. Parmi les 8 filières notamment la coupe et couture, l’Électricité, les Arts Culinaires, la menuiserie, la maçonnerie, l’informatique et l’ajustage-soudure, elle n’a choisi que la première. Nous la retrouvons assise devant sa machine à coudre. Embourbée par les étoffes des tissus, cette jeune fille de 16 ans est orpheline et dit n’avoir pas eu la chance d’aller à l’école. Après avoir passé des moments durs comme fille de ménage dans la ville de Goma, la création du Centre d’Orientation et de Formation en Métiers a été une opportunité pour oublier la misère accourue depuis la disparition de son père. « Je risquais de me plonger dans la prostitution. Une machine à coudre m’a été dotée après formation. Ceci m’a permis d’ouvrir mon propre atelier. Je me suis déjà spécialisé dans la fabrication de tissus à usage hygiénique pour femme » se félicite-t-elle avant d’expliquer que son produit est très apprécié sur le marché. « Comme je reçois une forte demande je dois intégrer une Association Villageoise d’Epargne et de Crédit AVEC pour accroître les revenus » projette-t-elle.

Elle n’est pas seule pour avoir bénéficié de ce paquet simultanément complété par World Vision.  BARAKA Augustin lui, est devenu constructeur maçon. Aux heures d’après-midi, nous le retrouvons dans un chantier en étage en pleine construction. Bêche en main et en salopette, ce jeune de 19 ans mélange du béton pour parachever sa tâche journalière lui confiée par son ingénieur. Il se veut rassurant car il percevra 3.5$ à la fin de chaque journée.   Très satisfait Augustin se frotte les mains pour son projet d’élevage qu’il a pu démarrer grâce au montant réuni après chaque prestation dans plusieurs chantiers. « Après mon deuxième secondaire, je n’ai pas trouvé le moyen de poursuivre les études faute d’argent. J’ai initié cette activité d’élevage pour accumuler des moyens conséquents afin de lancer un business d’une boutique » nous lance-t-il avec sourire aux lèvres.

Pour compléter les efforts de ces deux premières organisations internationales en faveur de cette jeunesse à risque, MercyCorps démarre en 2019 un projet de 3 ans dénommé FARM, TUJENGE KWA UTULIVU. 4 groupements de la chefferie de Bwisha sont concernés. Le COFOM est de nouveau ciblé avec la formation de 500 jeunes en entrepreneuriat agricole. La majorité de ces jeunes témoignent désormais mener une vie prospère. C’est le cas de Monsieur MBONIMPA Yves. « J’ai reçu 130 Kg de pommes de terre. Au bout de 5 mois, j’ai produit 450kg ; J’ai vendu une quantité grâce à laquelle j’ai acheté un porc qui bientôt me donnera un business conséquent. Entretemps je poursuis la culture de cette spéculation ».

Des contraintes étatiques qui risquent de freiner l’élan 

Autant que COFOM réalise les exploits, il est confronté à un certain nombre de défis.  Selon NZABA MATABARO son Directeur, sur le 21 filières identifiées et retenues lors du diagnostic fait par les représentants des différentes couches sociales de la communauté, seule 8 sont aujourd’hui opérationnelle.

« Nous avons démarré avec les 3 filières actuellement, l’Electricité, l’Ajustage-soudure, l’Informatique, l’Arts culinaires et la savonnerie se sont rajoutés » explique-t-il.

NZABA MATABARO encourage les jeunes à s’orienter vers des filières porteuses  des fruits pour booster la main d’œuvre locale.

« Pour ajouter une filière, nous faisons périodiquement des évaluations pour connaitre les besoins des communautés en fonction du marché local » assure-t-il.

Pour lui, l’atout majeur de l’apprentissage au sein du COFOM demeure l’alphabétisation de tout apprenant ne connaissant ni lire ni écrire avant la formation proprement dite dans le domaine souhaité.

A en croire, NZABA MATABARO, le centre COFOM devrait disposer des hangars d’ateliers pour faciliter la pratique mais aucun partenaire pour l’instant ne s’est engagé autour de ce besoin.  Aussi, la non sécurisation du centre par une clôture ne rassure pas la protection des matériels et bâtiments. Enfin, il évoque la faible prise en charge du personnel ainsi que les difficultés de motiver ses formateurs en cas d’absence d’un partenaire.

En dépit de ces défis, note le Directeur, le COFOM dit avoir mis en place un plan stratégique allant jusqu’en 2026 pour affronter ces défis. Ce à quoi il plaide auprès des donateurs pour faire du COFOM un centre de référence en métiers au Nord-Kivu en particulier et dans toute la République Démocratique du Congo en général.

Justin bin SERUH

 

 

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